Insectes et plantes. Évolution parallèle et adaptations.

jeudi 22 avril 2004
par  Raymond Ramousse
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Insectes et plantes. Évolution parallèle et adaptations.

Jolivet P., 1983.

1 vol. broché, 148 pp., 28 fig.

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PREFACE

Pierre Jolivet publie un livre Insectes et plantes qui est l’un des plus attrayants qu’un biologiste puisse offrir au public cultivé

L’érudition en est immense, mais l’auteur la domine et par la simplicité et la clarté de son texte, la rend accessible à tous.

Dans le monde des vivants, les corrélations entre espèces s’observent fréquemment. Les Insectes sont, pour moitié de leurs espèces tributaires des plantes dont ils se nourrissent, mais la condition inverse, bien que se réalisant moins souvent, rend certaines plantes dépendantes des Insectes. Cette deuxième éventualité dépasse la première en intérêt et en complexité.

L’Insecte végétarien ne mange pas n’importe quelle plante. Les Criquets migrateurs, bien qu’on leur prête un appétit insatiable, ont leurs végétaux préférés et ils se détournent de certains auxquels, même affamés ils ne touchent pas.

Le cas général est celui d’Insectes qui se nourrissent de plantes appartenant à d’assez nombreuses espèces. Parfois, le choix se restreint à une famille, un genre voire une plante unique. L’Insecte est alors devenu monophytophage.

En toutes circonstances, il est guidé vers ses plantes nourricières par les odeurs qu’elles répandent.

On connaît de nombreuses substances attractives. Rappelons le cas classique de l’essence de moutarde, élaborée par les Crucifères qui attire le papillon blanc du chou, les terpènes des Conifère sont les attractants des Coléoptères scolytides qui parasitent pins, sapins, Pseudotsuga, etc ...

La difficulté consiste non à découvrir « le menu » qui convient à l’espèce, mais à déceler les causes qui l’imposent à l’Insecte et l’ont gravé dans son code génétique.

L’odeur de la plante nourricière est un stimulus significatif pour l’Insecte  : de la plante, comme d’une source lumineuse les photons, partent dans l’espace les molécules sublimisées de la substance odoriférante et stimulante. Les quelques molécules qui frappent les antennes de l’Insecte suffisent à l’orienter et à le conduire vers sa plante de prédilection soit qu’il la mange, soit qu’il y ponde électivement.

Le problème est d’ordre évolutif  ; selon nous, il n’a pas reçu de solution. Comment et à la suite de quelles transformations se trouve dans l’Insecte, toute montée la réponse adéquate au stimuli significatif  : dans le présent cas, une substance sublimisée rigoureusement déterminée déclenche la translation de l’animal vers la plante attractive.

Les plantes carnivores surprennent par leur changement radical d’alimentation  : elles acquièrent la possibilité de se nourrir à la manière des animaux. Pierre Jolivet décrit avec précision leurs mécanismes opératoires. Ces végétaux malgré leur inhabituelle faculté conservent intégralement les caractères d’autotrophes, y compris la chlorophylle et peuvent, semble-t-il, se passer d’aliments d’origine animale.

La motilité des feuilles et autres organes, les dispositifs anatomiques convenant à la prédation les enzymes digestives, la perméabilité membranaire aux produits de la digestion avec passage dans les tissus des 500 plantes carnivores, décrite à ce jour, sont autant de rares nouveautés, coordonnée au point de réaliser une fonction stable et efficace.

L’évolution de ces plantes, appartenant à un tout petit nombre de familles isolées dans de grands ensembles, donne à penser que leur code génétique pour des raisons totalement ignorées a acquis des gènes. La nécessité de ce bouleversement, pour la pérennité de l’espèce ne paraît pas du tout évidente

Le problème évolutif le plus complexe qu’évoque le livre de Pierre Jolivet, concerne les rapports, parfois très étroits qui s’établissent entre la plante et l’insecte, par exemple, lorsque la fleur n’est fécondée (pollinisée) que par l’intervention d’un Insecte nectarivore. L’une et l’autre se modifient afin que l’acte fécondateur se réalise obligatoirement lors de la visite du récolteur de pollen ou du suceur de nectar.

Pierre Jolivet a décrit avec précision les dispositifs anatomiques, les appâts chimiques qui sont utilisés par les plantes dans leurs rapports avec les Insectes (Chapitre  : Les Insectes pollinisateurs).

S’il est difficile d’expliquer l’évolution d’une lignée unique, il l’est bien plus de suivre et d’interpréter la double évolution se déroulant au sein de deux lignées distinctes  : les modifications de l’une se trouvant en accord avec celles de l’autre. Parallélisme et harmonie sont des conditions rares qui mettent en oeuvre des propriétés insoupçonnées

Deux attitudes ont été prises devant ces faits par les biologistes. Pour les uns, l’évolution n’a rien a voir dans la pollinisation par les Insectes, il s’agit d’une coïncidence plus au moins utile a la plante. En fait, l’anthropomorphisme serait l’inventeur de cette prétendue évolution.

Pour d’autres biologistes, la plante et l’Insecte ont évolué d’un même pas.

L’une et l’autre ont subi des mutations aléatoires. Ont été conservées celles qui conféraient à l’animal ou au végétal un avantage. C’est l’application du simple mutationnisme darwinien. Darwin fut, sa vie durant, passionné et inquiété par l’étude des rapports plantes-insectes. N’a-t-il pas écrit tout un livre sur les plantes carnivores  ?

Mais que vaut l’explication que lui-même et ses adeptes proposent et estiment exacte  ?

Elle exige la production en nombre immense de mutations strictement aléatoire et cela dans deux lignées différentes dont on ne peut douter de la disparité de leurs gènes. La probabilité de tels évènements est tellement faible, infinitésimale qu’on est conduit à la tenir pour nulle. D’autres conditions imposées par la double évolution plante-Insecte fragilisent encore plus la thèse aléatoire.

Dans la situation présente le biologiste ne doit-il pas avoir le courage de dire « Je ne sais pas ». Cette reconnaissance d’un état de fait ne rabaisse pas, elle l’honore.

 Le livre de Pierre Jolivet, d’une totale objectivité ouvre au chercheur de riches domaines a défricher. Il convie à la réflexion. Le biologiste ne doit plus limiter ses investigations à quelques espèces cultivées ou élevées au laboratoire  ; il ne prendra une idée juste de la complexité des phénomènes biologiques qu’en considérant les faunes et les flores dans leurs milieux naturels et dans leurs rapports mutuels.

Le monde des vivants brille par sa diversité. Les questions qu’il suggère à l’observateur, au penseur sont en nombre quasiment infini. Seule, une infime minorité d’entre elles a retenu l’attention des hommes de science.

Bien téméraire ou orgueilleux est celui qui prétend, dans l’état lacunaire et précaire de notre savoir, expliquer les mécanismes fondamentaux de la vie et les avatars de ses formes.

Le livre de Pierre Jolivet, en dépit de sa richesse en données positives, met clairement en vedette nos ignorances. C’est un livre de vérité. Que dire de mieux d’un ouvrage scientifique  ?

 

Pierre-P. Grassé


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