Google Images, un nouvel outil dans la trousse des biologistes

vendredi 14 octobre 2016
par  Marie-José Turquin
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En analysant automatiquement des milliers de photos indexées par Google Images, une application aide les scientifiques à étudier la flore et la faune sans bouger de leur ordinateur

Oubliées les soirées à patauger dans les étangs ou les longues journées d’affût en pleine nature ! Selon l’étude parue le 11 mai dans la revue Methods in Ecology and Evolution, les biologistes peuvent dorénavant, s’ils le souhaitent, collecter leurs données confortablement installés dans une chaise de bureau.

Des scientifiques sud-africains y démontrent, dans la première étude du genre, que le moteur de recherche Google Images permet une récolte de données tout aussi fiables que celles obtenues par les méthodes habituelles. En remplaçant les campagnes de terrain coûteuses et chronophages, les photographies animalières postées sur le web pourraient devenir un bon outil de recherche pour étudier l’écologie et l’évolution.
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L’auteure principale Gabriella Leighton de l’Université du Cap s’est intéressée au polymorphisme de couleur. « Des individus d’une même espèce animale ne se ressemblent pas forcément, indique-t-elle. Il peut par exemple y avoir des différences de colorations, pensez aux pigeons que vous voyez en ville. » Quand une espèce peut avoir différentes apparences, elle est dite polymorphique. Les causes et conséquences évolutives de ce polymorphisme ont fasciné les biologistes depuis l’époque de Darwin. En étudiant la distribution géographique des différentes colorations, il est possible d’en étudier l’évolution.

L’étude a porté sur quatre espèces polymorphiques pour lesquelles des données scientifiques précises concernant leur distribution géographique existent déjà (ours, corneille, chouette effraie et épervier). Les chercheurs ont été capables d’établir cette même distribution géographique mais en utilisant uniquement les données disponibles sur Google Images. Plus de 4 800 images ont été passées en revue.

Un défi logistique facilité par « Morphic », une application web gratuite développée spécialement par les auteurs afin de permettre un traitement efficace des images. Grâce à elle, les doublons sont effacés et les informations concernant la localisation et la date de la prise de vue sont facilement collectables. Toutefois, le classement des images dans les différentes catégories de colorations doit se faire manuellement. L’œil humain reste irremplaçable.

La récolte de données est un travail fastidieux. Outre les observations directes sur le terrain, il existe différentes méthodes pour recueillir des informations concernant l’écologie et l’évolution des espèces. Par exemple, pour réunir les données de quelque 10 000 oiseaux, Alexandre Roulin a dû visiter pas moins de 140 musées de par le monde. Ce biologiste de l’Université de Lausanne raconte : « Les musées stockent des milliers d’oiseaux taxidermisés non-visibles pour le public. Tout scientifique peut en tirer des observations et mesures. »

Biologiste à l’ Université de Pavie en Italie, Paolo Galeotti a quant à lui utilisé les livres comme source d’information. « Entre l’année 1998 et 2001, j’ai passé deux années entières à faire de vastes recherches bibliographiques sur le polymorphisme des oiseaux. Si nous avions pu utiliser Google Images à l’époque, cela aurait pu ne prendre que quelques semaines ! », s’enthousiasme-t-il.

Cependant, Google Images reste une approche complémentaire qui ne peut pas entièrement remplacer les anciennes méthodes. Les traits observables sur des images sont limités. « Des études sur le comportement, la physiologie ou la génétique ne sont pas compatibles avec cette méthode », explique Paolo Galeotti. De plus, toutes les espèces ne peuvent pas être étudiées avec Google Images. Oiseaux et mammifères sont les espèces les plus photographiées, elles sont fortement représentées sur le web. Mais qu’en est-il des espèces jugées moins photogéniques ? Les scientifiques sont dépendants de l’intérêt des photographes.

Les auteurs estiment que Google Images peut être utilisé pour des plantes ou animaux de tous genres qu’ils soient insectes, reptiles ou autres, pour autant que le nombre de photographies présentes sur le web soit suffisant. Le trait étudié doit également être facilement observable sur photographies. A noter, que la qualité d’image ne permet pas forcément de discerner les détails et modifie notamment la perception des couleurs.

« Bien sûr, chaque méthode a ses limites, regrette Alexandre Roulin. Mais globalement, les données collectées sur le web devraient permettre à la science de progresser plus rapidement et de réduire les coûts de la recherche. » Pratiquement, le professeur y voit une utilité directe et concrète : « Pour des étudiants qui doivent effectuer un travail de recherche sur une courte durée pendant leurs études, Google Images permet une collecte de données rapide et efficace. »

Petit conseil, enfin, pour les photographes qui veulent rendre service à la science : mieux vaut indiquer le lieu et la date de la prise de vue, éventuellement le nom de l’espèce pour les plus pointilleux. Un moindre effort qui constitue un détail précieux qui permettra, qui sait, de découvrir de nouvelles espèces ?